Encore une estampe pour clôturer l'année du Japon
Après l'estampe de Narumi, "La femme assise dans l'eau", si belle dans sa simplicité, j'ai tenté de reproduire "Les tourbillons d'Awa" de Hiroshige, afin de me confronter à un travail plus complexe, à la fois dans le graphisme mais surtout dans la programmation de ses étapes.
Pour imprimer sur papier les estampes xylographiques polychromes typiques du Japon des XVIII et XIX ème siècles, les imprimeurs devaient fréquemment graver au moins une douzaine de planches en bois, une pour le dessin des contours puis autant que de couleurs différentes.
Voici l'estampe originale datant de 1855 :
Pour transposer cette estampe sur porcelaine, il m'aura aussi fallu beaucoup d'étapes et de cuissons intermédiaires, un peu moins tout de même que pour l'impression de la gravure correspondante car sur la porcelaine on peut poser plusieurs couleurs à la fois dès lors qu'elles sont isolées par du vernis de réserve.
Mon travail a donc d'abord commencé par une réflexion pour planifier ces étapes d'un bout à l'autre, afin de réduire au minimum le nombre de cuissons. Il y a sans doute différents chemins pour arriver au même résultat, voici le mien :
Pour commencer, je décalque tous les contours à partir de la reproduction de l'estampe :
Je ne vais pas transférer en une seule fois tout ce tracé sur la porcelaine car il serait effacé lors des cuissons successives.
Je me contenterai à chaque étape de transférer les contours des zones que je recouvrirai ensuite de vernis de réserve.
Ainsi, la première fois, je reporte à l'aide de mon calque le contour extérieur des rochers et de l'écume qui les recouvre, le dessin des oiseaux qui devront rester blancs, les bords supérieur et inférieur de l'île de l'arrière plan et les contours de l'écume blanche du tourbillon du premier plan.
Sur ces zones délimitées, je pose du vernis de réserve qui va me permettre d'isoler le ciel d'une part et la mer d'autre part :
Je vais ainsi pouvoir poser les couleurs du ciel et le bleu clair de la mer qui apparaîtra ensuite seulement dans les reflets de l'eau.
La mer est putoisée uniformément de bleu clair. Pour le ciel, j'ai réalisé un dégradé allant du bleu ciel au jaune d'or léger en terminant par un rouge capucine au ras de la montagne :
Voilà le résultat après avoir enlevé le vernis de réserve et cuit une première fois :
J'isole ensuite, grâce au vernis de réserve, les rochers et la partie verte de l'île de l'arrière plan :
Je putoise le vert sur l'île et un dégradé de gris et brun sur les rochers (j'ai omis de prendre la photo de cette étape).
Deuxième cuisson.
Il me faut ensuite isoler au vernis de réserve la partie grise de la montagne de l'arrière plan
et protéger l'écume blanche (juste ce qui est nécessaire)
et les reflets bleu clair de la mer :
Je pose ensuite et putoise les couleurs suivantes :
gris et noir sur la montagne de l'arrière plan,
bleu moyen sur la mer.
Voici le résultat après la 3ème cuisson :
Avant la pose du bleu le plus foncé en haut du ciel, en bas de la mer et sur les zones très foncées de l'eau, j'isole une nouvelle fois ces plages grâce au vernis de réserve. Dans les zones où la transition est plus diffuse entre le bleu moyen et le bleu foncé, je ne mets pas de vernis mais je nuancerai le dégradé en putoisant :
Voici le résultat après la pose du bleu foncé et la 4ème cuisson :
J'en profite pour glisser une petite note historique : pour réaliser les dégradés bleus typiques de ses ciels (appelés bokashi), Hiroshige utilisait le Bleu de Prusse, un bleu de synthèse produit à Berlin depuis 1706 et entré au Japon seulement dans les années 1820.
Il ne reste plus qu'à dessiner à la plume fine les contours noirs. Je ne les ai pas redécalqués préalablement car il y a forcément eu quelques petits décalages par rapport au calque initial et il m'a semblé plus facile de les reproduire à main levée.
Voici le résultat final après la 5ème et dernière cuisson :
